EDITO

Souveraineté numérique : de l’ignorance à la paranoïa ?

Après une longue période d’incubation, les questions liées à la souveraineté numérique semblent désormais entrer dans les préoccupations des Français*, dorénavant inquiets, tant pour le respect de leur vie privée que face aux conséquences de « l’ubérisation » de pans entiers de notre économie.

Cette salutaire prise de conscience n’en est pas moins porteuse de nouvelles menaces comme, en particulier, de mesures politiques aux conséquences potentiellement négatives, prises sous la pression de l’émotion et dans l’urgence. À cet égard, les tragiques attentats terroristes de 2015 ont joué un rôle d’accélérateur de décisions dans le domaine du numérique. Décisions dont on ne peut véritablement à ce jour évaluer les effets à terme.

Car au-delà de la question, certes centrale, du sens et du périmètre de la vie privée dans une société connectée, et bientôt dans une société d’objets massivement connectés, se pose dorénavant celle de la préservation du secret des affaires et de la protection des actifs immatériels de nos entreprises. Ces derniers sont des fichiers, formules, plans et autres stratégies qui circulent dorénavant sans restriction au sein de systèmes d’information en principe sécurisés mais hétérogènes et dont on ne peut certifier la parfaite étanchéité.

Alors que dans un monde « pré-numérique » le principe de secret des correspondances ou la sécurité physique des coffres-forts étaient capables, à eux seuls, de garantir la confidentialité des données des entreprises, il semble que, par le simple fait de la dématérialisation, les États peuvent obtenir aujourd’hui un droit de contrôle qui ne leur était accessible autrefois que dans des conditions rigoureusement encadrées par le droit. Avec, comme corollaire de ce contrôle, un risque considérable pour la sécurité des systèmes d’information, une loi technologique voulant en effet qu’une porte dérobée, ou « backdoor », reste « agnostique » et permette ainsi un accès inconditionnel à n’importe quelle tentative d’intrusion, y compris et surtout, malveillante.

Autre menace, l’opacité des plateformes par lesquelles transitent chaque jour davantage de données de leurs utilisateurs traitées par des algorithmes eux-mêmes rarement transparents.

Sans oublier les perspectives de l’Open Data qui en particulier grâce à la puissance des algorithmes du big data fait aujourd’hui peser de nouveaux risques sur la transparence des données et aussi de pillage par des acteurs en situation hégémonique.

Dans ce contexte, l’objectif d’une reconquête de la souveraineté numérique des entreprises tout comme des individus, semble s’éloigner chaque jour davantage. Pourtant, et dans ce domaine comme dans beaucoup d’autres, des solutions existent, elles reposent à la fois sur les technologies, sur l’encadrement juridique mais aussi sur la pédagogie auprès des usagers de ces technologies. C’est autour de ces questions, et pour débattre des possibles pistes de solutions, que nous avons choisi d’orienter les travaux de ces 3èmes Assises autour des nouveaux enjeux de la Souveraineté Numérique, cette année encore, nous serons accompagnés par les meilleurs experts, des élus, des représentants des pouvoirs publics et des acteurs du monde économique.

Jacques MARCEAU

Président d’Aromates

Fondateur des Assises de la Souveraineté Numérique

Étude Viavoice / La Revue Civique : http://www.institut-viavoice.com/images/02_PDFs/SondagesDivers/Economie_numérique_Les_Résultats_et_analyses.pdf