L‘INTELLIGENCE EST DANS LE CODE

Les campagnes se suivent et se ressemblent : le thème du numérique n’est au mieux abordé qu’au travers des idées tarte à la crème de généralisation du haut débit et de déploiement de tablettes dans les écoles. On se lamente sur le taux de chômage, en particulier chez les jeunes, mais peu d’initiatives sont prises pour les orienter vers des filières d’avenir. On décrie la formation professionnelle, sans prendre les actions qui s’imposent pour améliorer ses résultats. On réduit les charges sur les emplois au niveau du SMIC, sans s’interroger sur la capacité du marché national de développer réellement ces catégories d’emplois dans un environnement économique globalisé.

Façonner la société de demain plutôt que la subir devrait pourtant être au cœur du projet politique. En l’absence de vision – et d’initiatives fortes en la matière – notre société française devra se contenter des rôles de spectateur et de consommateur des innovations produites par d’autres, en premier lieu dans le domaine du numérique.

L’écosystème est pourtant favorable au développement en France d’une filière logicielle de haut niveau : grandes écoles et laboratoires de pointe, excellence dans le domaine des mathématiques, dispositifs sociaux et fiscaux incitatifs à l’entrepreneuriat high-tech (jeune entreprise innovante, crédit impôt recherche, crédit impôt innovation), initiatives de promotion de l’Espace France (FrenchTech).

Toutefois, faire de la France un acteur de premier plan de la filière numérique mondiale, dont les start-ups n’ont d’autres perspectives que de se délocaliser en Californie ou de réussir à se vendre au plus offrant, nécessite une stratégie cohérente de bout en bout, lisible et motivante pour les entrepreneurs, les salariés, les actionnaires et les clients.

Cinq mesures pourraient y contribuer :

–       Fixons-nous un objectif clair, partagé avec les sphères éducative et professionnelle : faire de la France un champion mondial du logiciel en 2022.

–       Formons les élèves dès le plus jeune âge à l’algorithmie et au codage informatique, en rendant obligatoires ces matières au collège, et en les confiant dans un premier temps à des professionnels de l’informatique volontaires, dans l’attente qu’une filière publique d’enseignement se constitue et prenne le relais.

–       Abandonnons l’idée absurde que le développement est une commodité à externaliser et à délocaliser, et renforçons au contraire l’excellence dans la maîtrise des concepts et des outils. Expliquons aux écoles d’ingénieurs que la voie royale pour un développeur n’est pas de devenir chef de projet ! Favorisons à cet effet des initiatives privées d’intérêt public, telle l’école 42, pour permettre à des salariés de tous âges de se réorienter vers la filière du numérique et d’y trouver un emploi passionnant.

–       Incitons les entreprises françaises et étrangères à localiser leurs centres de développement logiciel en France, en supprimant pendant trois ou quatre ans les charges patronales sur les nouveaux recrutements d’ingénieurs.

–       Soutenons enfin la filière logicielle française, qui crée de l’intelligence et des emplois, et fournira demain des champions à l’export. N’ayons pas peur du patriotisme économique dans un domaine aussi stratégique que le logiciel : développons des labels « made in France » et « made in Europe » et adaptons les réglementations nationales et européennes relatives à l’achat public pour introduire des exemptions équivalentes à celles qui prévalent dans le domaine de la défense.

Les stars de mon entreprise, ce ne sont ni les commerciaux, ni les consultants, ni les chefs de projet, ni les financiers, mais les architectes et les développeurs. Cette vision, je la partage avec tous les entrepreneurs rassemblés dans l’association EFEL Power. Vous aussi, faites confiance à l’industrie logicielle française !

Nadi Bou Hanna

Fondateur et PDG de 6Tzen