TRIBUNE DE PAUL-OLIVIER GIBERT

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Le Correspondant Informatique et Libertés, au cœur des équilibres

La loi du 6 janvier 1978 modifiée permet aux entreprises et aux acteurs du secteur public de désigner auprès de la CNIL un correspondant à la protection des données personnelles, plus connu sous l’appellation de Correspondant Informatique et Libertés (CIL), dont le rôle s’affirme central dans le développement maîtrisé des nouvelles technologies de l’information et de la communication.

Le CIL s’est imposé comme l’homme clé de la protection des données personnelles. Sa désignation marque la volonté de l’organisme d’intégrer au cœur de son fonctionnement le respect des principes de la loi Informatique et libertés. À l’instar des autres fonctions de conformité, il offre une alternative à la tentation d’une réglementation tatillonne.

Un Correspondant peut être désigné pour plusieurs entités d’une même entreprise. Ils sont aujourd’hui plus de quatre mille, au sein de quinze mille organismes. Parmi eux, les Chambres de commerce, la Banque de France, la Poste, la CNP, de nombreux CHU, dix-sept conseils régionaux et quarante-cinq conseils généraux, les villes de Paris, Lyon et Marseille, l’École polytechnique, la totalité des caisses primaires d’assurance-maladie, la Caisse nationale des allocations familiales. Des réseaux entiers ont également basculé, comme ceux des notaires et des huissiers. On peut citer également les 3 Suisses, Alcatel-Lucent, Areva, Bull, le Crédit Immobilier de France, Legrand, Exxon-Mobil, Michelin, Orange ou encore Groupama.

Les CIL les plus actifs sont regroupés au sein d’une association, l’AFCDP(Association Française des Correspondants à la protection des Données Personnelles), qui les représente et qui vient de publier un livre qui leur est consacré, « Correspondant Informatique et Libertés : bien plus qu’un métier ». Dans la préface signée de la Présidente de la CNIL et du Groupe Article 29, Madame Falque Pierrotin, on relève que « Dans le contexte de transformation numérique de notre société, doit s’élaborer la meilleure régulation possible pour protéger nos droits et libertés individuelles tout en accompagnant l’innovation. C’est pour cette raison que je suis particulièrement attachée au rôle clé joué par le CIL dans cette approche qui contribue, de facto, à la dynamique d’une régulation vertueuse et efficace du monde numérique. »

Le Correspondant joue un primordial pour assurer que l’informatique se développe sans danger pour les droits et libertés des personnes. Au-delà de l’allègement de formalités, c’est aussi pour les dirigeants d’entreprise le moyen d’éviter de nombreux risques de contentieux et de sanctions. Mais le CIL peut également être conçu comme un élément de différenciation : son action rassure le consommateur, l’usager, le collaborateur, le patient ou le citoyen : un élément à ne pas négliger quand il s’agit de bâtir et maintenir une relation de confiance. C’est justement l’un des points de la déclaration commune des autorités de protection européennes, présentée le 8 décembre 2014 à l’Unesco en présence du Premier ministre : « La confiance du public dans les produits et services de l’économie numérique dépend en grande partie du respect des règles de protection des données par l’industrie. Le respect de ces règles constitue un facteur concurrentiel fondamental pour les acteurs numériques ; il assurera la durabilité du développement de l’industrie numérique, au bénéfice de celle-ci comme de celui des consommateurs. »

Le futur règlement européen appelé à remplacer la loi Informatique et Libertés va – entre autres nouveautés – consacrer le principe de la prise en compte de la vie privée dès la conception (Privacy by Design). Intégrés à l’entreprise et donc proches de son fonctionnement quotidien comme de ses grandes décisions, les CIL en seront les acteurs principaux et seront en mesure d’assurer aux parties prenantes que l’entreprise respecte bien les « règles du jeu ». Face à la montée de la défiance du public vis-à-vis des géants de l’internet, le respect de ces règles peut faire de la France un territoire d’excellence pour l’hébergement et le traitement des données des entreprises du monde entier, en leur offrant les garanties d’indépendance, de neutralité et de sécurité qu’exigeront bientôt d’eux, et de toute évidence, leurs clients. Prenant le contrepied d’une approche frileuse, il convient donc de considérer la loi et la régulation comme une opportunité, un facteur d’attractivité, et par là transformer en réussite économique ce qui peut apparaître comme une contrainte pour faire de la France un territoire d’excellence pour les données.

Paul-Olivier Gibert, Président de l’AFCDP

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